Tout tout tout vous saurez tout sur la <jeudi>réforme du mécénat</jeudi>

Une nouvelle réforme du mécénat a été annoncée jeudi 28 août par le Secrétaire d’Etat Gabriel Attal. Cette proposition de réforme, qui va être débattue dans le cadre du projet de loi de finances, fait suite aux controverses liées à la défiscalisation de la Fondation Louis Vuitton, à l’afflux de dons pour la reconstruction de Notre Dame ainsi qu'aux rapports de la Cour des Comptes[1] et du Parlement[2].
Notre défi : Que vous soyez incollable sur cette réforme controversée.
Notre envie : Que vous vous mobilisiez pour en diminuer sa portée.
Vous avez 5 minutes ? C'est parti !

Le cadre français ou vous reprendrez bien un peu de fiscalité

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En France, particuliers comme entreprises, sont incités fiscalement à soutenir l’intérêt général. C’est une bonne chose ! La loi Aillagon de 2003[3] définit le cadre du mécénat d’entreprise au bénéfice d'associations et de fondations. Pour être précis, elle ouvre droit à une réduction d’impôts à hauteur de 60% du montant des dons des entreprises dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires.

Une illustration pratique :
Une entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel de 10 millions d’euros.
Elle peut bénéficier d’une réduction d’impôts liée à d’éventuels dons en calculant d’abord son plafond (10 Mio € * 0,5 %) soit 50 000 euros puis son montant maximal de défiscalisation (60 % de ces 50 000 €).
Ainsi, au-delà de 30 000 euros de dons (50 000 * 60 % ), les dons de l’entreprise ne donneront plus droit à des réductions fiscales.

C’est cette loi qui définit le cadre fiscal du mécénat de compétences que nous contribuons à démocratiser.
Il faut savoir d'ailleurs que le modèle français du mécénat est un des plus généreux au monde.

Tout sur la réforme en 2 minutes

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La réforme annoncée se déclinerait en 2 dimensions :

  • Un abaissement du taux de défiscalisation de 60% à 40% au delà de 2 millions d’euros de dons

  • Un plafonnement des salaires éligibles au mécénat de compétences pour les salaires dépassant 10 000 euros

Un abaissement du taux de 60% à 40% au delà de 2 millions d’euros de dons

Cet abaissement ne concerne que les entreprises qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 400 millions d’euros (soit 2 millions / 0,5%). A date, Bercy estime que seulement 78 entreprises seraient concernées par ce changement de seuil.

Afin de ne pas pénaliser les grandes associations d’aide aux plus démunis, cette modification du seuil ne s’appliquera d’ailleurs pas aux dons à destination de la vingtaine d’associations dites “Loi Coluche”[4] dont font notamment partie les Les Restos du Cœur, Emmaüs, Les Banques alimentaires, La Fondation d'Auteuil, Le Secours Populaire, Le Secours Catholique, Habitat et Humanisme, Solidarités ?Nouvelles pour le Logement...

Notre analyse :
Cette réforme devrait avoir un impact limité sur le mécénat de compétences pour plusieurs raisons :

1. Elle concerne un nombre très faible d’entreprises

2. La politique philanthropique de ces entreprises n’est pas nourrie par une démarche d’optimisation fiscale

En effet, les entreprises s’engagent d’abord pour répondre aux enjeux de transformation sociétale pour répondre tant aux demandes des consommateurs que de leurs collaborateurs.

2 chiffres clés valident cet argument qui peut paraître bien innocent :

  • Plus de la moitié des entreprises mécènes ne défiscalisent pas leurs dons ou le font uniquement de façon partielle[5].
  • Moins de 10% des dons réalisés via du mécénat de compétences par les entreprises partenaires de Vendredi font l’objet de défiscalisation.

Néanmoins, il est à craindre que cette réforme ait un impact significatif sur les dons versés par les très grandes entreprises car comme le révèle le rapport de la Cour des comptes, en 2016 les 36 plus grandes entreprises mécènes représentent 48 % des crédits d'impôt du mécénat.

Cette réforme, si elle passe, sera donc un test pour vérifier si cet engagement relève plus de l'opportunité ou d'un engagement réel.

Un plafonnement des salaires éligibles au mécénat de compétences pour les très (très) hauts salaires

Les salaires éligibles à la défiscalisation grâce au mécénat de compétences ne pourront plus dépasser 3 plafonds de la sécurité sociale. Ce plafond correspond à la rémunération maximale d’un dirigeant d’une association d’intérêt général[6] et équivaut à 10 131 euros brut mensuel.

Notre analyse :
Cette modification vise tout particulièrement le mécénat de compétences pour les cadres dirigeants en fin de carrière.

Elle aura, selon nous, un impact nul sur le développement du mécénat de compétences car le modèle reste fortement incitatif pour l’immense majorité des collaborateurs.

Nous trouvons même cette modification pertinente. Nous avions d'ailleurs suggéré au gouvernement d’être plus ambitieux sur la diminution du plafond de rémunération pour éviter d'éventuels excès.

S’attaquer à la racine du problème ou notre avis sur la réforme

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La réforme du mécénat symbolise selon nous plusieurs maux français.

Elle s’inscrit dans un contexte plus large d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques. C’est en soi une excellente nouvelle car ce sont nous les citoyens qui payons les impôts. Bref, il est sain de mieux évaluer l’utilité des réductions d’impôts.

Mais en réalité, le sujet de fond n’est pas d'abord celui du taux de défiscalisation et d’éventuels seuils mais plutôt d’être en capacité d’évaluer l’impact de ces investissements d’intérêt général.

Selon nous, nous faisons face à 2 défis prioritaires :

1. Mieux catégoriser les types de mécénat

Aujourd’hui, Bercy est incapable de différencier les types de mécénat entre dons financiers, dons alimentaires ou de matériel et dons de compétences. En absence d’une mesure fine, on ne peut rien évaluer.

Bonne nouvelle, suite au rapport de la Cour des Comptes, les exigences de reporting ont augmenté notamment pour mieux distinguer sponsoring et mécénat. C’est un premier pas. Il faut faire de même sur la catégorisation des dépenses de mécénat.

2. Mieux évaluer ce qui relève de l’intérêt général

Voici la question de fond : peut-on mettre la Fondation Louis Vuitton sur un pied d’égalité avec les Restos du Coeur ?

Le premier challenge est donc sans doute d'accompagner les acteurs de l'intérêt général à mieux évaluer leur impact.

C'est cette approche scientifique qui nous permettra demain de rationaliser une évidence : “Oui le mécénat contribue activement à l’intérêt général et constitue un investissement plus que rentable”.

Un seuil rabaissé ou pourquoi cette réforme nous semble... inefficace

Les estimations de Bercy suggèrent que cette réforme va générer 80 millions d'euros d'économies.

80 millions d'euros d'économies cela parait bien dérisoire par rapport au signal sociétal envoyé à tous les acteurs de la solidarité. Et ce d'autant plus dans un contexte de précarité sociale grandissant. Cette réforme ressemble étrangement à la hausse de 5 euros des APL alors que le gouvernement maintenait en parallèle la suppression de l'ISF.

80 millions d'euros d'économies cela parait bien dérisoire voire même contre-productif quand on est incapable d'estimer les externalités négatives d'une telle réforme sur tout un secteur qui contribue au bien commun.

Car oui cette réforme, en ciblant les grandes entreprises, vise indirectement les locomotives du bien commun que ce soient les grandes associations de solidarité, les grands établissements culturels ou les centres de recherche comme l'Institut Pasteur.

Pour toutes ces raisons, chez Vendredi nous nous opposons à l'abaissement du seuil et nous nous mobiliserons contre cette réforme.

Pourquoi nous sommes optimistes

Malgré ce signal trouble, nous sommes résolument optimistes chez Vendredi.

Nous sommes convaincus, que réforme ou non, le mécénat n’en est qu’à ses prémices.

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Le gouvernement a souligné avec fermeté que le mécénat contribue activement à l’intérêt général et n’est pas en soi une niche fiscale.

Le gouvernement vient d’ailleurs de créer un plafond de défiscalisation minimum, de 10 000 euros, pour encourager le mécénat des TPE et PME.

Sur le terrain, il ne fait aucun doute que chaque jour plus d’entreprises souhaitent s’investir pour le bien commun et que l’avantage fiscal n’est clairement pas la raison d’être de leur démarche.

Chez Vendredi, nous faisons la preuve au quotidien de la pertinence du mécénat (de compétences). Plus de 400 citoyens engagés et 200 entreprises et d'associations partenaires peuvent témoigner d'une série d'évidences :

  • Le mécénat est un catalyseur de lien social local.

  • Le mécénat (de compétences) transforme positivement les parcours d'engagement citoyen.

  • Le mécénat est un accélérateur d’innovation sociale.

  • Le mécénat (de compétences) renforce l'employabilité de celles et ceux qui s'engagent.

Notre volonté est de faire grandir ce modèle avec toutes les parties prenantes dont l’Etat et le gouvernement.

Notre engagement pour les mois à venir est de mieux valoriser l’impact du mécénat de compétences pour encourager sa promotion.

Car derrière cette réforme la seule question qui importe est celle de notre capacité collective à démontrer la pertinence d’une évidence :

Le mécénat (de compétences) est utile.


  1. http://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-soutien-public-au-mecenat-dentreprises ↩︎

  2. http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/rap-info/i2169/(index)/rapports-information#P4974_350490 ↩︎

  3. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000791289&categorieLien=id ↩︎

  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relative_au_mécénat,_aux_associations_et_aux_fondations ↩︎

  5. http://admical.org/contenu/barometre-du-mecenat-dentreprise ↩︎

  6. https://www.service-public.fr/associations/vosdroits/F1927 ↩︎

Publié le par Vendredi